Lettre ouverte à Slavoj Kizek

sur l’hypothèse d’un « communisme musical »

 

 

François Nicolas (Paris, 24 janvier 2010)

 

 

 

Cher Slavoj Zizek,

 

j’ai lu votre intervention à la conférence de Londres en mai 2009 : « Remarques pour une définition de la culture communiste » [1] et y ai buté sur certaines déclarations concernant la musique du 20° siècle qui m’ont laissé pantois.

J’aimerais vous faire part de mes réactions en sorte de prolonger des premiers échanges amorcés à Paris en mai 2006 lors de la journée Parsifal que j’avais coorganisée avec Alain Badiou à l’Ens-Ulm [2].

 

Commençons par les points d’accord avant d’aborder un premier différend puis les points de réel discord.

Accords

Je partage votre point de vue sur l’inexistence d’un proto-fascisme (« Il n’y a pas de fascisme avant la lettre » [3]). Ceci suffirait à déqualifier les tentatives ineptes pour faire de Richard Wagner un proto-nazi – rappelons, à ce titre, qu’à la fin des années 30 la musique de Wagner était disputée entre nazis et anti-nazis, à preuve la manière dont Charlie Chaplin a mis en scène cette dispute dans Le Dictateur, utilisant la même musique de Lohengrin d’abord pour accompagner la célèbre danse au ballon du dictateur puis pour clôturer le film sur une note d’espoir : le non moins fameux « Écoutez ! » énoncé par la fiancée juive du barbier (et qui nous dit littéralement : « Pour vous encourager à voir au-delà du nazisme actuellement triomphant, écoutez Wagner ! » [4])

 

Je partage votre attachement à « une grande discipline » en matière de poésie « véritable » [5], cette discipline constituant le gage de ce qu’il s’agit bien de poésie – je m’attendais à ce qu’il aille de soi que ce type d’exigence vaille tout autant pour la musique ; comme on va y revenir, tel ne sera malheureusement pas le cas dans la suite de votre intervention…

 

Je partage bien sûr votre attachement  à l’idée du communisme comme « axiome de l’égalité inconditionnelle » [6].

 

Je partage votre intérêt pour Short Cuts d’Altmann : sans pour autant nommer comme vous « communiste » [7] son immersion dans le multiple des rencontres hasardeuses, j’y trouve une manière proprement cinématographique de conjuguer l’égalité des existences et la liberté des rencontres, conjugaison qui n’est pas rien et qui suffirait à faire singularité s’il est vrai – la mathématique nous l’enseigne – qu’une singularité est l’indiscernabilité locale de deux tendances transversales ou orthogonales et donc contradictoires (voir ici la vieille tension politique entre égalité et liberté).

 

Je partage votre intuition (inspirée par Hans Eisler) que la musique – et sans doute plus généralement d’autres arts – est plus fidèle à l’idée du communisme quand elle travaille mezzo voce sur un petit collectif de chambre plutôt que fortissimo sur des grandes masses orchestrales ou chorales maniées en bloc [8]. Je préciserai qu’il conviendrait en ce point de mieux distinguer les deux idées de communisme et de révolution s’il est vrai que la musique compatible avec l’idée de communisme s’écarte sensiblement de la musique portée par l’élan révolutionnaire : celle-ci, en effet, brasse nécessairement les larges effectifs du chœur et de l’orchestre en de vastes tempêtes sonores quand celle-là doit être plutôt l’affaire de petits effectifs aux sonorités auto-limitées en sorte à la fois de donner droit à l’expression de particularités individuelles (qui se trouvent par contre fondues dans le grand tutti orchestral) et de les traverser sans s’y arrêter (de les « diagonaliser » donc). Disons que mon « modèle » de musique « révolutionnaire » est constitué par la belle cantate Octobre de Prokofiev quand celui de la musique formellement compatible avec l’idée du communisme est constitué par l’orchestre de chambre générique que Schoenberg extraie du grand orchestre au cœur du développement de Farben (op.16, n°3) ce qui revient à suggérer que l’idée du communisme est particulièrement bien servie par l’affirmation tourbillonnante d’un petit groupe hasardeusement extrait de la multitude et ne cessant d’en sortir et d’y retourner, une sorte donc de détachement tournant qui pourrait être vu comme une manière de « collectiviser » la figure de Joséphine (par laquelle vous ouvrez votre propos) et d’incarner votre suggestion d’homo gestalt [9].

 

Je vous accorde également la dualité réversible des « personnalités autoritaires et libérales », restant cependant plus réservé que vous sur l’intérêt de ce genre de « psychologie » en matière de communisme et par là plus dubitatif que vous sur une éventuelle « fidélité » d’Adorno « au projet révolutionnaire marxiste » [10] - il me semble, tout au contraire, qu’Adorno n’a jamais vraiment compris ce que politique veut singulièrement dire et ne s’est donc jamais rapporté au marxisme qu’en extériorité objectivante…

 

Je partage enfin avec vous que la violence ne constitue pas par elle-même une ligne de démarcation [11] et que mieux vaut avoir des ennemis déclarés que concevoir la politique comme ‘vivre-ensemble entre semblables’ (ce qui conduit immanquablement à exclure radicalement les dissemblables, tendanciellement dans une pure et simple animalité). Il me semble que Jean Genet a écrit sur ce sujet des choses bien plus intéressantes que celles que vous citez d’Hannah Arendt, tout spécialement quand il différencie l’heureuse violence (« Je nomme violence une audace au repos amoureuse des périls » [12]) de la détestable brutalité, la première admettant la liberté de celui contre qui s’exerce la violence, la seconde visant à briser et effacer cette même liberté (« Le  geste brutal est le geste qui casse un acte libre. […] La brutalité vient s’opposer toujours à la violence. » [13]).

Différend

Mon différend s’attache à votre lecture de Parsifal qui a pour premier inconvénient (pour moi significatif) d’être une lecture du livret bien plus qu’une écoute de la musique. Reprenant la thèse d’Alain Badiou (exposée lors de la journée précitée [14]) sur le « sujet » - entendu en un sens philosophique – de Parsifal, vous insistez sur la question du cérémonial dans cet opéra (elle en constitue, dites-vous, « le problème central » [15]) en sorte d’asseoir ce qui va constituer la thèse je crois cardinale de votre intervention : « le rituel est central à la culture communiste » [16].

Permettez-moi d’objecter à cette idée du Parsifal de Richard Wagner : une chose est d’identifier philosophiquement un sujet de ce Parsifal (un sujet dont, au demeurant, on ne sait plus alors très clairement s’il est vraiment musical c’est-à-dire s’il est le sujet musicalement à l’œuvre – il est vrai que ce souci est légitimement celui du musicien plutôt que du philosophe), autre chose est de poser que le problème central de ce Parsifal est celui de la cérémonie et du rituel qui s’y attache.

Pour ma part, je tiens que le sujet (tant musical qu’opératique) du Parsifal de Wagner tient à la question suivante : comment réactiver un processus subjectif ensablé et moribond ? Certes cette interrogation rebondit aussitôt sur la suivante : mais de quel processus subjectif concret (ensablé, moribond…) est-il alors question dans ce Parsifal ? En ce point, musique et livret se disjoignent tout en progressant de pair. Du côté de la musique, on peut soutenir – en simplifiant considérablement – qu’il s’y agit (entre autres [17]) du processus diatonique, devenu saturé par le chromatisme de Tristan. Du côté du livret, la chose me semble plus embrouillée. Vous suggérez [18] qu’elle pourrait se clarifier du point de la question suivante : qu’est-ce qu’Amfortas est incapable d’accomplir ?, et vous répondez : la cérémonie !

Ceci présuppose à mon sens que l’opéra tourne autour d’Amfortas et alors de sa dualité rivale avec Klingsor. Pour ma part, je crois préférable de mettre la dualité Parsifal/Kundry au cœur du drame (ce qui, au demeurant, est conforme à la structure même de l’opéra puisque ce duo occupe le cœur de l’acte II, autant dire le cœur du cœur…). C’est à mon sens Julien Gracq qui, dans Le Roi pêcheur, met le couple Amfortas-Klingsor au cœur du drame, et cela relève alors d’une tout autre logique dramatique… Amfortas ferait-il chez Wagner duo avec Parsifal plutôt qu’avec Klingsor ? C’est ce que vous suggérez, mais cette matrice, je crois, ne permet guère d’aller bien loin dans la compréhension du drame multiple que cet opéra met en scène.

Reste, dans tous les cas, l’intéressante question de la cérémonie, ou plus exactement de la double cérémonie (actes I et III) avec cette question aiguë qu’Alain Badiou nous adressait, à nous musiciens, en mai 2006 : qu’est-ce qui différencie vraiment la seconde cérémonie de la première ? La plupart des mises en scène esquivent cette question ou y répondent par de grossiers subterfuges. J’ai rassemblé, depuis cette journée Parsifal, des éléments de réponse musicale à cette question mais ce n’est pas ici le lieu de les exposer. Il me semble que, pour votre part, vous vous emparez de cette question sous un tout autre jour (à la fois que celui – philosophique – de Badiou ou que celui – musical – que je soutiens) : celui précisément qui va vous conduire à énoncer cette thèse cardinale déjà mentionnée : « le rituel est central à la culture communiste ».

Permettez-moi quelques réserves sur cette proposition. Ces réserves passent par un examen plus attentif de ce qui cette fois constitue à mes yeux un très profond désaccord et qui concerne centralement – on s’en doute – la musique elle-même, en particulier cette musique du 20° siècle dont, je vous accorde, il convient de faire un bilan aussi attentif et minutieux qu’il convient de le faire concernant la politique du 20° siècle … ou la poésie.

Discords

Il y a un premier discord sur l’idée que le silence constituerait pour la musique une sorte de fond (ou une sorte de « rien » premier) sur lequel se détacheraient les sons, une sorte encore d’éternité primordiale sur laquelle les temporalités musicales viendraient se dessiner, une sorte de « niveau zéro de sens » [19], d’expérience zéro qui serait expérience de l’absence de sens à partir de laquelle (« priorité du non-sens sur le sens » [20] oblige) le sens musical pourrait germer en sonorisant les durées.

Il me semble que toute une part de votre problématique du rituel (et de la cérémonie comme pur rituel plutôt que comme cérémonie de ceci ou de cela) prend ici son appui : le rituel constituerait le cœur formel de la cérémonie, car la cérémonie se concentrerait par essence dans une cérémonie du fond (transcendantal ?) qui autorise qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, qui autorise musicalement qu’il y ait des sons et des durées, etc.

Permettez-moi d’objecter qu’à mon sens le silence ne constitue aucunement pour la musique un tel type de fond ; à dire vrai, la musique, comme la politique, est sans fond, à tout le moins comme l’être lui-même est sans fond (le vide constituant non le fond de l’être mais bien son tissu, sa « matière » propre). Tout de même qu’en mathématiques, le vide constitue une lettre première (Ø), en musique le silence constitue la première lettre de l’écriture musicale (la « note » de silence : Œ) en sorte que le silence musical sera le symbole d’un « tacet » instrumental ou vocal et ne désignera nullement l’absence de tout bruit – la distinction des deux touche à ce point musicalement capital : il s’y agit précisément de délimiter ce qu’exister musicalement veut dire pour un son ou un bruit ; le silence musical pointera non l’absence acoustique de bruits mais la suspension musicale de tout jeu instrumental ou vocal indiquant que tout bruit inopiné restant audible (souffle, bruit de siège…) ne relèvera pas de la musique.

Ce point pourra vous sembler de pur détail. Je ne suis pas sûr qu’il le soit : il me semble à tout le moins opérer comme symptôme d’une certaine suture entre vide et rien (si ce n’est entre vide et néant), ce qui va mieux s’éclairer avec le point suivant.

 

Pour un musicien, en l’occurrence pour un compositeur attaché à la musique comme art c’est-à-dire comme pensée sensible autonome et pas seulement comme culture (et donc comme fonction), le point profondément révoltant de votre intervention est l’indexation d’un « communisme égalitaire dans le domaine de la musique » à des niaiseries ou de pures et simples impostures musicales comme celles dont Satie et Cage se sont faits l’emblème : le premier est un impuissant notoire, tentant de « relever » son absence d’idées et l’insignifiance de ses compositions en triomphe du futile et du creux, du pauvre et du debile ; le second a accusé le tour proprement nihiliste de cette orientation (« Ne pouvant plus vouloir la musique, par paresse devant la discipline que la composition véritable m’impose de manière immanente, je préfère vouloir le rien musical – les plaisanteries pour gogos - que ne plus rien vouloir du tout et disparaître ainsi de la scène musicale ! »), et il est pour le moins paradoxal de retrouver ce nihilisme (au demeurant de pacotille : Cage n’a même pas pris personnellement les risques vitaux qu’implique tout nihilisme actif) exhaussé en triomphe musical… du communisme !

Bien sûr pour opérer cette opération de prestidigitation, il ne faut pas y regarder de trop près dans la musique concernée : le petit argumentaire sur la musique de Satie n’est pas digne de votre plume (l’exaltation d’une triade bien académique comme figure du déplacement autour d’un objet immobile n’est que la reprise – en farce… - de ce que Stockhausen et Pousseur ont très justement dit de l’art proprement schubertien de la variation [21] et il serait parfaitement grotesque d’aligner musicalement Schubert… et Satie !)

Quant à l’invention par Satie d’une durée que Beethoven aurait ignoré, ce n’est tout simplement pas sérieux ! Autant dire que Warhol a inventé la couleur qu’ignorait le Greco et Magritte le dessin qu’ignorait Cézanne, que Serge Gainzbourg a révolutionné le mètre poétique, que le rock a révolutionné le blues et les Beatles la musique du 20° siècle !

Passons sur l’éloge invraisemblable d’une « musique d’ameublement » qui organise bien la première version de la « muzak » et qui constituait pour Satie une manière d’aligner l’œuvre musicale (face à laquelle il ne sentait pas de taille) sur le régime de la marchandise accrochée à sa fonction sociale d’utilité…

Quant à Cage et son jugement sur l’influence déplorable de Beethoven en matière d’art musical, il faut la laisser au rang des stupidités qui ne sauraient relever d’une position d’avant-garde qu’en matière… de nihilisme (À quoi bon ?En vain !…). Que l’échec musical de Cage ait pu être représenté comme réussite médiatique tout de même que l’échec philosophique des nouveaux philosophes a pu l’être comme réussite journalistique et éditoriale ne devrait quand même pas nous égarer !

Qu’en la matière l’individu Erik Satie ait été membre du PCF (au demeurant compagnon de route plutôt que militant - ce qui n’est pas bon signe [22] - d’un parti dont il faut quand même bien voir qu’il était, dès son Congrès constitutif de Tours, « pro-soviétique » plutôt que communiste [23]) ne garantit rien du tout quant au caractère « communiste » de ses balbutiements musicaux (si tant est que « communiste » puisse qualifier quelque musique que ce soit…). Confondre l’absence de toute musique véritable dans ces pièces d’ameublement avec la résonance en musique de l’idée communiste me semble aussi désastreux musicalement que peut l’être la confusion qu’entretient volontairement Jean-Claude Milner aujourd’hui en faisant croire – grâce à une sophistique sur le « quelconque » - que l’équivalent général de la monnaie constituerait l’incarnation adéquate du générique diagonal que promeut Badiou !

Bref, si le « communisme musical » [24] (au demeurant, je ne sais guère ce que cet alliage improbable peut désigner), c’est aligner Webern… sur Satie ( !) et disposer Cage en « figure centrale de l’avant-garde musicale du 20° siècle », on se demande bien pourquoi, à ce compte, le « communisme poétique » ( ?) ne reviendrait pas à aligner Eliot sur Isodore Isou et à disposer Dada en figure centrale de l’avant-garde poétique du 20° siècle (ce qu’il est vrai beaucoup font, confondant ainsi avant-garde du nihilisme et avant-garde de l’orientation « soustractive »).

Quatre points

Quel est le prix payé par cette maltraitance insigne de la musique (entendue par moi comme art, autant dire comme art d’une écoute proprement musicale : toute œuvre musicale informe à nouveaux frais sur ce qu’écouter veut musicalement dire) ?

Il me semble qu’il tient finalement à quatre points, plus généraux, sur « le communisme ».

 

1) Le premier consiste, somme toute, à faire comme si la réactivation de l’idée du communisme devait valoir réactivation d’une suture de la musique à la politique.

Étant de très longue date aussi bien musicien que militant, je peux d’autant mieux soutenir qu’on ne saurait faire de la bonne musique avec de bonnes idées politiques (l’inverse est encore plus manifeste) mais qu’il y faut de bonnes idées musicales. De celles-ci, Satie comme Cage, faute de courage et de labeur, s’en sont détournés et, plutôt que de se taire (ce qui eut été aussi honorable que l’est l’attitude de ceux qui ont choisi d’arrêter de militer à partir du reflux de 1975 sans pour autant renier leurs idées politiques antérieures), ils ont préféré faire carrière en adoptant la posture du nihilisme actif qui crie à tous vents : « plutôt vouloir le rien que ne rien vouloir ! » (comme si l’on ne pouvait continuer de vouloir la musique !, ce qu’au 20° siècle ont continué de vouloir, avec succès, un long cortège de grands compositeurs, de Schoenberg à Carter en passant par Webern, Boulez et tant d’autres…).

Si musique et politique peuvent envisager de conjuguer leurs pensées, ce ne peut être qu’au prix d’alliances circonstanciées et extrêmement précautionneuses de leurs autonomies respectives. L’idée de communisme ne me semble pas devoir changer grand-chose à cet impératif.

 

2) L’idée du communisme me semble devoir être avant tout une idée militante plutôt que philosophique et, moins encore, artistique (quant à savoir si elle pourrait être « culturelle », je vous avoue ne pas trop voir ce que cela pourrait vouloir dire…). Autant préciser donc qu’elle doit concerner avant tout la politique d’émancipation pratiquée en intériorité si elle veut être une idée concrète.

À ce titre, la question d’une « culture communise » (ou d’une culture du communisme, ce qui n’est peut-être pas tout à fait la même chose…) me semble, en l’état des choses politiques, mettre la charrue avant les bœufs. Ce point, à mon sens, s’éclaire en matière d’égalité et d’émancipation : l’égalité politique est une chose, l’égalité en musique en est une tout autre ; et itou pour l’émancipation. Or on ne transite nullement d’une égalité l’autre ou d’une émancipation l’autre ; tout au plus peut-on, entre processus disjoints d’émancipation, se saluer, se serrer la main, s’encourager, se stimuler, ce qui n’est pas rien, surtout en nos temps sombres…

 

3) Mettre le cérémonial et le rituel au cœur du communisme me semble au total une manière de confondre le vide et le néant : comme le silence en musique, le vide relève du symbolique de la lettre et du nom (pris à chaque fois dans un espace logique propre – dans un « monde » propre), non de l’imaginaire.

Comment faire alors cérémonie du communisme dont l’humanité est capable ? J’entends cette question, d’autant plus que je m’y attache dans mes propres projets compositionnels (je travaille à une tétralogie musicale sur mai 68 prévue pour… mai 2018), mais elle ne me semble praticable que concrètement et non pas formellement, c’est-à-dire en convoquant un silence ou un vide concret (s’entend concrètement situé), pas « le » silence ou « le » vide lesquels n’existent pas, faute de méta-situation ou méta-transcendantal pour y pourvoir.

 

4) Dernier point - pardonnez-le moi, mais vous ne m’avez pas ménagé avec la chute de votre intervention.

Conclure sur le hard-rock matiné de techno du groupe Rammstein comme meilleure arme aujourd’hui en faveur de cette culture communiste est une provocation bien inutile pour la pensée : comme Genet l’a bien montré, il n’y a rien à attendre de bon de la brutalité et son exhibition participe de sa logique même, nullement de sa critique ! En effet, la brutalité, par définition, mise sur la fascination tétanisante que l’affirmation de son univocité génère en sorte de casser toute liberté critique, et il n’y a donc pas d’espace réel pour soutenir qu’exhiber brutalement la brutalité pourrait libérer quelque conscience critique que ce soit (on sait le prix à payer pour ce vieux topos de l’anarchisme primaire : croire qu’on va réveiller la conscience populaire en provoquant une montée aux extrêmes…).

C’est quand même un symptôme que votre propos puisse se conclure par ce type de proposition musicale qui semble suggérer que la cérémonie dont le hard-rock est capable – et le marché en effet ne s’y trompe pas, qui n’a de cesse d’organiser et promouvoir ce genre de « fête » – pourrait avoir quelque chose à voir avec la cérémonie spécifique dont un communisme réinventé pourrait être porteur !

 

Au plaisir de rediscuter ces points et bien musicalement vôtre,

 

François Nicolas



[1] Badiou/Zizek : L’idée du communisme ; Lignes ; Paris, 2010

[2] Journée « Parsifal, une œuvre pour notre temps ? » ; Ens, 6 mai 2006

www.entretemps.asso.fr/Wagner/Tract.pdf

[3] p. 323

[4] « Écoutez Parsifal ! »

www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1246

www.entretemps.asso.fr/Wagner/Parsifal/12.htm

[5] p. 324

[6] p. 326

[7] p. 332

[8] p. 333

[9] p. 326

[10] p. 338

[11] p. 338…

[12] Journal d’un voleur

[13] Violence et brutalité ; in L’ennemi déclaré – Gallimard, 1991, p. 200…

[14] « Quel est le vrai sujet de Parsifal ? »

www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1248

www.entretemps.asso.fr/Wagner/Parsifal/Badiou.htm

[15] p. 328

[16] p. 336

[17] Il y a aussi les questions musicales de l’orchestre, du thématisme, du rapport mélodie/harmonie, etc.

[18] p. 328

[19] p. 329

[20] p. 329

[21] Les variations de Schubert tournent autour d’un thème immuable quand celles de Beethoven font tourner un thème qui évolue…

[22] Un musicien qui fait de la politique devient un militant comme tout autre… Au contraire, exciper de sa qualité d’artiste pour soutenir une organisation politique sans y militer tend à corrompre les convictions tant politiques que musicales…

[23] Son histoire, dès les années 20, a amplement prouvé son manque originel d’autonomie politique…

[24] p. 332