Platon : Les Lois (VII, 812d – 813a)

 

 

Victor Cousin

ƒmile Chambry

Luc Brisson

Τούτων τοίνυν δεῖ χάριν τοῖς φθόγγοις τῆς λύρας ¹ροσχρῆσθαι, σαφηνείας ἕνεκα τῶν χορδῶν, τόν τε κιθαριστὴν καὶ τὸν ¹αιδευόμενον, ἀ¹οδιδόντας ¹ρόσχορδα τὰ φθέγματα τοῖς φθέγμασιį

τὴν δ' ἑτεροφωνίαν καὶ ¹οικιλίαν τῆς λύρας, ἄλλα μὲν μέλη τῶν χορδῶν ἱεισῶν, ἄλλα δὲ τοῦ τὴν μελῳδίαν συνθέντος ¹οιητοῦ, καὶ δὴ καὶ ¹υκνότητα μανότητι καὶ τάχος βραδυτῆτι καὶ ὀξύτητα βαρύτητι σύμφωνον καὶ ἀντίφωνον ¹αρεχομένους, καὶ τῶν ῥυθμῶν ὡσαύτως ¹αντοδα¹ὰ ¹οικίλματα ¹ροσαρμόττοντας τοῖσι φθόγγοις τῆς λύρας, ¹άντα οὖν τὰ τοιαῦτα μὴ ¹ροσφέρειν τοῖς μέλλουσιν ἐν τρισὶν ἔτεσιν τὸ τῆς μουσικῆς χρήσιμον ἐκλήψεσθαι διὰ τάχους.

Τὰ γὰρ ἐναντία ἄλληλα ταράττοντα δυσμάθειαν ¹αρέχει, δεῖ δὲ ὅτι μάλιστα εὐμαθεῖς εἶναι τοὺς νέουςį τὰ γὰρ ἀναγκαῖα οὐ σμικρὰ οὐδ' ὀλίγα αὐτοῖς ἐστι ¹ροστεταγμένα μαθήματα, δείξει δὲ αὐτὰ ¹ροϊὼν ὁ λόγος ἅμα τῷ χρόνῳ.

Ἀλλὰ ταῦτα μὲν οὕτω ¹ερὶ τῆς μουσικῆς ἡμῖν ὁ ¹αιδευτὴς ἐ¹ιμελείσθωį

Τὰ δὲ μελῶν αὐτῶν αὖ καὶ ῥημάτων, οἷα τοὺς χοροδιδασκάλους καὶ ἃ δεῖ διδάσκειν,  καὶ ταῦτα ἡμῖν ἐν τοῖς ¹ρόσθεν διείρηται ¹άντα, ἃ δὴ καθιερωθέντα ἔφαμεν δεῖν, ταῖς ἑορταῖς ἕκαστα ἁρμόττοντα, ἡδονὴν εὐτυχῆ ταῖς ¹όλεσιν ¹αραδιδόντα ὠφελεῖν.

Toœton to’nyn de’ ch‡rin to’s fth—ngois t’s lýras proschr’sthai, safine’as Žneka t—n chord—n, t—n te kitharist’n ka’ t—n paidev—menon, apodid—ntas pr—schorda t‡ fthŽgmata to’s fthŽgmasi:

t’n d' eterofon’an ka’ poikil’an t’s lýras, ‡lla mŽn mŽli t—n chord—n ieis—n, ‡lla dŽ toœ t’n melod’an synthŽntos poiitoœ, ka’ d’ ka’ pykn—tita man—titi ka’ t‡chos vradyt’ti ka’ oxýtita varýtiti sýmfonon ka’ ant’fonon parechomŽnous, ka’ t—n rythm—n os‡ftos pantodap‡ poik’lmata prosarm—ttontas to’si fth—ngois t’s lýras, p‡nta oœn t‡ toiafta m’ prosfŽrein to’s mŽllousin en tris’n Žtesin t— t’s mousik’s chr’simon ekl’psesthai di‡ t‡chous.

T‡ g‡r enant’a ‡llila tar‡ttonta dysm‡theian parŽchei, de’ dŽ —ti m‡lista evmathe’s e’nai toœs nŽous: t‡ g‡r ananka’a ou smikr‡ oud' ol’ga afto’s esti prostetagmŽna math’mata, de’xei dŽ aft‡ pro•—n o l—gos ‡ma t— chr—no.

All‡ tafta mŽn oœto per’ t’s mousik’s im’n o paideft’s epimele’stho:

T‡ dŽ mel—n aft—n af ka’ rim‡ton, o’a toœs chorodidask‡lous ka’ ‡ de’ did‡skein, ka’ tafta im’n en to’s pr—sthen die’ritai p‡nta, ‡ d’ kathierothŽnta Žfamen de’n, ta’s eorta’s Žkasta arm—ttonta, idon’n eftych’ ta’s p—lesin paradid—nta ofele’n.

C'est donc dans la mme vue que le ma”tre de lyre et son Žlve doivent jouer de cet instrument, ˆ cause de la nettetŽ du son des cordes, et en se contentant de rendre fidlement les sons marquŽs par le compositeur.

Quant aux variations sur la lyre, lorsque la lyre exŽcute certains traits qui ne sont pas dans la composition, qu'on Žtablit la symphonie et l'antiphonie * entre la densitŽ et la raretŽ, la vitesse et la lenteur, l'aigu et le grave, et qu'on arrange ainsi sur la lyre toute sorte de variations rythmiques, il n'est pas besoin d'exercer ˆ toutes ces finesses des enfants qui n'ont que trois ans pour apprendre, le plus promptement possible, ce que la musique a d'utile.

Les oppositions confondent les idŽes et rendent incapable d'apprendre : or, il faut au contraire que nos jeunes gens apprennent chaque chose avec toute la facilitŽ possible : car les sciences qu'ils ne peuvent se dispenser d'acquŽrir, ne sont ni en petit nombre, ni peu importantes, comme la suite de cet entretien le fera voir.

Ainsi l'instituteur de la jeunesse bornera ses soins touchant la musique ˆ ce qui vient d'tre dit.

Pour ce qui est des chants et des paroles que les ma”tres de chĻur doivent enseigner ˆ leurs Žlves, nous avons expliquŽ tout ˆ l'heure le choix qu'il en fallait faire ; et nous avons ajoutŽ que chaque fte devait avoir ses chants propres et consacrŽs, dont l'effet fut l'avantage de lՃtat avec un plaisir pur et innocent.

C'est dans cette vue que le ma”tre et son Žlve doivent user des sons de la lyre, ˆ cause de la clartŽ que leur donnent les cordes, en accordant ces sons aux airs du musicien.

Quant aux sons diffŽrents et variŽs exprimŽs sur la lyre, lorsque les cordes rendent une mŽlodie et que l'auteur des chants en a composŽ une autre, lorsque, par l'opposition des tons forts et des faibles, des rapides et des lents, des aigus et des graves, on fait rŽsulter un accord de la discordance mme, et que l'on ajuste de mme toutes les variŽtŽs de rythmes aux sons de la lyre, il ne faut pas parler de tout cela ˆ des enfants qui doivent s'approprier rapidement en trois annŽes ce que la musique a d'utile.

Car ces parties opposŽes, se troublant les unes les autres, sont difficiles ˆ apprendre, et il faut que nos jeunes gens aient toute facilitŽ d'apprendre ; car les sciences indispensables qu'ils sont chargŽs d'acquŽrir ne sont ni en petit nombre ni de peu d'importance, comme la suite de cet entretien le fera voir plus tard.

Ainsi notre ma”tre de musique bornera ses soins ˆ ce qui vient d'tre dit.

Pour ce qui est des chants et des paroles que les ma”tres de chĻur doivent enseigner ˆ leurs Žlves, nous nous en sommes expliquŽs nettement dans ce qui prŽcde et nous avons dit que chaque fte devait avoir ses chants propres et consacrŽs pour procurer aux citoyens un plaisir bienvenu.

CÕest donc dans ce but que le ma”tre de cithare et son Žlve doivent user en outre des notes de lÕinstrument en tirant profit de la nettetŽ des sons que produisent les cordes pour mettre en accord les sons des cordes avec les sons de la voix.

Mais quÕil sÕagisse de produire sur la lyre un son diffŽrent et variŽ, lÕair jouŽ Žtant dans un ton alors que la mŽlodie composŽe par le pote est dans un autre, quÕil sÕagisse pour celui qui joue de lÕinstrument, comme cela est bien naturel, de faire se rŽpondre ce qui est resserrŽ et ce qui sÕespace, ce dont le mouvement est rapide et ce qui a de la lenteur, les sonoritŽs aigu‘s et les sons qui ont de la gravitŽ, en employant pareillement les accents de la lyre ˆ produire une multitude de rythmes, toutes les recherches de ce genre doivent tre bannies pour ceux qui, dans les trois ans consacrŽs ˆ lՎtude de la lyre, doivent rapidement recueillir le bŽnŽfice de lÕenseignement relatif aux Muses.

Car ces ŽlŽments qui sÕopposent et se troublent lÕun lÕautre rendent lÕapprentissage difficile, alors quÕil faut que les jeunes gens apprennent autant que faire se peut sans difficultŽ. Les connaissances quÕils doivent acquŽrir ne sont en effet ni peu Žtendues ni peu nombreuses, nous le verrons ˆ mesure que, avec le temps, notre entretien avancera.

Voilˆ comment le responsable de lՎducation devra rŽgler les questions de lÕenseignement relatif au domaine des Muses.

Pour ce qui est des airs eux-mmes et des paroles, quels sont ceux que doivent enseigner les ma”tres de chĻur et de quelle sorte ils doivent tre, nous en avons aussi amplement traitŽ dans ce qui prŽcde, en dŽclarant quÕil fallait les consacrer, en les adaptant chacun ˆ sa propre fte, pour quÕils servent au bien des citŽs en leur procurant un plaisir fortunŽ.

* Edgar De Bruyne : que lÕon obtient au moyen du symphone et de lÕantiphone, en opposant le serrŽ ˆ lÕespacŽ, le rapide au lent, lÕaigu au graveÉ


Ē Quant ˆ lÕhŽtŽrophonie, [É] il nÕy a pas lieu dÕy exercer les enfants Č

Platon (Les Lois, VII, 812d)

 

Ma traduction (largement reprise de Edgar De Bruyne) :

Ē Quant ˆ lÕhŽtŽrophonie exprimŽe sur la lyre, amenant des successions de sons Žtrangres ˆ la cantilne composŽe – artifices que lÕon obtient au moyen du symphone et de lÕantiphone, en opposant le serrŽ ˆ lÕespacŽ, le rapide au lent, lÕaigu au grave, ou bien en adaptant aux sons de la lyre un grand nombre de combinaisons rythmiques – il nÕy a pas lieu dÕy exercer les enfants qui nÕont que trois ans pour apprendre rapidement ce que le domaine des Muses a dÕutile. Č

 

Noter que le symphonique et lÕantiphonique participent de lÕhŽtŽrophonique !

 

Ce livre traite de lՎducation.

Ė partir de six ans et pendant trois ans, musique et gymnastique.

Gymnastique = lutte + danse

Musique : il appartient aux chanteurs sexagŽnaires de Dionysos [812b] de distinguer les chants qui reprŽsentent la vertu de ceux qui reprŽsentent le vice et sont capables de pervertir la jeunesse.

 

CÕest LÕAthŽnien ou LՃtranger dÕAthnes qui parle

Grec

[812d] Τούτων τοίνυν δεῖ χάριν τοῖς φθόγγοις τῆς λύρας ¹ροσχρῆσθαι, σαφηνείας ἕνεκα τῶν χορδῶν, τόν τε κιθαριστὴν καὶ τὸν ¹αιδευόμενον, ἀ¹οδιδόντας ¹ρόσχορδα τὰ φθέγματα τοῖς φθέγμασιį τὴν δ' ἑτεροφωνίαν καὶ ¹οικιλίαν τῆς λύρας, ἄλλα μὲν μέλη τῶν χορδῶν ἱεισῶν, ἄλλα δὲ τοῦ τὴν μελῳδίαν συνθέντος ¹οιητοῦ, καὶ δὴ καὶ ¹υκνότητα μανότητι καὶ τάχος βραδυτῆτι καὶ ὀξύτητα βαρύτητι σύμφωνον [812e] καὶ ἀντίφωνον ¹αρεχομένους, καὶ τῶν ῥυθμῶν ὡσαύτως ¹αντοδα¹ὰ ¹οικίλματα ¹ροσαρμόττοντας τοῖσι φθόγγοις τῆς λύρας, ¹άντα οὖν τὰ τοιαῦτα μὴ ¹ροσφέρειν τοῖς μέλλουσιν ἐν τρισὶν ἔτεσιν τὸ τῆς μουσικῆς χρήσιμον ἐκλήψεσθαι διὰ τάχους. Τὰ γὰρ ἐναντία ἄλληλα ταράττοντα δυσμάθειαν ¹αρέχει, δεῖ δὲ ὅτι μάλιστα εὐμαθεῖς εἶναι τοὺς νέουςį τὰ γὰρ ἀναγκαῖα οὐ σμικρὰ οὐδ' ὀλίγα αὐτοῖς ἐστι ¹ροστεταγμένα μαθήματα, δείξει δὲ αὐτὰ ¹ροϊὼν ὁ λόγος ἅμα τῷ χρόνῳ. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν οὕτω ¹ερὶ τῆς μουσικῆς ἡμῖν ὁ ¹αιδευτὴς ἐ¹ιμελείσθωį

Τὰ δὲ μελῶν αὐτῶν αὖ καὶ ῥημάτων, οἷα τοὺς χοροδιδασκάλους καὶ ἃ δεῖ διδάσκειν,  καὶ [813a] ταῦτα ἡμῖν ἐν τοῖς ¹ρόσθεν διείρηται ¹άντα, ἃ δὴ καθιερωθέντα ἔφαμεν δεῖν, ταῖς ἑορταῖς ἕκαστα ἁρμόττοντα, ἡδονὴν εὐτυχῆ ταῖς ¹όλεσιν ¹αραδιδόντα ὠφελεῖν.

[812d] Toœton to’nyn de’ ch‡rin to’s fth—ngois t’s lýras proschr’sthai, safine’as Žneka t—n chord—n, t—n te kitharist’n ka’ t—n paidev—menon, apodid—ntas pr—schorda t‡ fthŽgmata to’s fthŽgmasi: t’n d' eterofon’an ka’ poikil’an t’s lýras, ‡lla mŽn mŽli t—n chord—n ieis—n, ‡lla dŽ toœ t’n melod’an synthŽntos poiitoœ, ka’ d’ ka’ pykn—tita man—titi ka’ t‡chos vradyt’ti ka’ oxýtita varýtiti sýmfonon [812e] ka’ ant’fonon parechomŽnous, ka’ t—n rythm—n os‡ftos pantodap‡ poik’lmata prosarm—ttontas to’si fth—ngois t’s lýras, p‡nta oœn t‡ toiafta m’ prosfŽrein to’s mŽllousin en tris’n Žtesin t— t’s mousik’s chr’simon ekl’psesthai di‡ t‡chous. T‡ g‡r enant’a ‡llila tar‡ttonta dysm‡theian parŽchei, de’ dŽ —ti m‡lista evmathe’s e’nai toœs nŽous: t‡ g‡r ananka’a ou smikr‡ oud' ol’ga afto’s esti prostetagmŽna math’mata, de’xei dŽ aft‡ pro•—n o l—gos ‡ma t— chr—no. All‡ tafta mŽn oœto per’ t’s mousik’s im’n o paideft’s epimele’stho:

T‡ dŽ mel—n aft—n af ka’ rim‡ton, o’a toœs chorodidask‡lous ka’ ‡ de’ did‡skein, ka’ [813a] tafta im’n en to’s pr—sthen die’ritai p‡nta, ‡ d’ kathierothŽnta Žfamen de’n, ta’s eorta’s Žkasta arm—ttonta, idon’n eftych’ ta’s p—lesin paradid—nta ofele’n.

Victor Cousin

 [812d] C'est donc dans la mme vue que le ma”tre de lyre [1] et son Žlve [2] doivent jouer de cet instrument, ˆ cause de la nettetŽ du son des cordes, et en se contentant de rendre fidlement les sons marquŽs par le compositeur. Quant aux variations sur la lyre, lorsque la lyre exŽcute certains traits qui ne sont pas dans la composition, qu'on Žtablit la symphonie [812e] et l'antiphonie [3] entre la densitŽ et la raretŽ, la vitesse et la lenteur, l'aigu et le grave, et qu'on arrange ainsi sur la lyre toute sorte de variations rythmiques, il n'est pas besoin d'exercer ˆ toutes ces finesses des enfants qui n'ont que trois ans pour apprendre, le plus promptement possible, ce que la musique a d'utile. Les oppositions confondent les idŽes et rendent incapable d'apprendre : or, il faut au contraire que nos jeunes gens apprennent chaque chose avec toute la facilitŽ possible : car les sciences qu'ils ne peuvent se dispenser d'acquŽrir, ne sont ni en petit nombre, ni peu importantes, comme la suite de cet entretien le fera voir. Ainsi l'instituteur de la jeunesse [4] bornera ses soins touchant la musique ˆ ce qui vient d'tre dit.

Pour ce qui est des chants et des paroles que les ma”tres de chĻur doivent enseigner ˆ leurs Žlves, [813a] nous avons expliquŽ tout ˆ l'heure le choix qu'il en fallait faire ; et nous avons ajoutŽ que chaque fte devait avoir ses chants propres et consacrŽs, dont l'effet fut l'avantage de lՃtat avec un plaisir pur et innocent.

ƒmile Chambry

C'est dans cette vue que le ma”tre et son Žlve doivent user des sons de la lyre, ˆ cause de la clartŽ que leur donnent les cordes, en accordant ces sons aux airs du musicien. Quant aux sons diffŽrents et variŽs exprimŽs sur la lyre, lorsque les cordes rendent une mŽlodie et que l'auteur des chants en a composŽ une autre, lorsque, par l'opposition des tons forts et des faibles, des rapides et des lents, des aigus et des graves, on fait rŽsulter un accord de la discordance mme, et que l'on ajuste de mme toutes les variŽtŽs de rythmes aux sons de la lyre, il ne faut pas parler de tout cela ˆ des enfants qui doivent s'approprier rapidement en trois annŽes ce que la musique a d'utile. Car ces parties opposŽes, se troublant les unes les autres, sont difficiles ˆ apprendre, et il faut que nos jeunes gens aient toute facilitŽ d'apprendre ; car les sciences indispensables qu'ils sont chargŽs d'acquŽrir ne sont ni en petit nombre ni de peu d'importance, comme la suite de cet entretien le fera voir plus tard. Ainsi notre ma”tre de musique bornera ses soins ˆ ce qui vient d'tre dit.

Pour ce qui est des chants et des paroles que les ma”tres de chĻur doivent enseigner ˆ leurs Žlves, nous nous en sommes expliquŽs nettement dans ce qui prŽcde et nous avons dit que chaque fte devait avoir ses chants propres et consacrŽs pour procurer aux citoyens un plaisir bienvenu.

Luc Brisson

CÕest donc dans ce but que le ma”tre de cithare [5] et son Žlve doivent user en outre des notes de lÕinstrument en tirant profit de la nettetŽ des sons que produisent les cordes pour mettre en accord les sons des cordes avec les sons de la voix. Mais quÕil sÕagisse de produire sur la lyre un son diffŽrent et variŽ, lÕair jouŽ Žtant dans un ton alors que la mŽlodie composŽe par le pote est dans un autre, quÕil sÕagisse pour celui qui joue de lÕinstrument, comme cela est bien naturel, de faire se rŽpondre ce qui est resserrŽ et ce qui sÕespace, ce dont le mouvement est rapide et ce qui a de la lenteur, les sonoritŽs aigu‘s et les sons qui ont de la gravitŽ, en employant pareillement les accents de la lyre ˆ produire une multitude de rythmes, toutes les recherches de ce genre doivent tre bannies pour ceux qui, dans les trois ans consacrŽs ˆ lՎtude de la lyre, doivent rapidement recueillir le bŽnŽfice de lÕenseignement relatif aux Muses. Car ces ŽlŽments qui sÕopposent et se troublent lÕun lÕautre rendent lÕapprentissage difficile, alors quÕil faut que les jeunes gens apprennent autant que faire se peut sans difficultŽ. Les connaissances quÕils doivent acquŽrir ne sont en effet ni peu Žtendues ni peu nombreuses, nous le verrons ˆ mesure que, avec le temps, notre entretien avancera. Voilˆ comment le responsable de lՎducation devra rŽgler les questions de lÕenseignement relatif au domaine des Muses.

Pour ce qui est des airs eux-mmes et des paroles, quels sont ceux que doivent enseigner les ma”tres de chĻur et de quelle sorte ils doivent tre, nous en avons aussi amplement traitŽ dans ce qui prŽcde, en dŽclarant quÕil fallait les consacrer, en les adaptant chacun ˆ sa propre fte, pour quÕils servent au bien des citŽs en leur procurant un plaisir fortunŽ.

Lexique

-phoniesÉ

Symphonie

σύμφωνον

= harmonie des consonances

Antiphonie

ἀντίφωνον

= octave !

Deux modalitŽs :

-       lÕantiphonie de deux chĻurs ;

-       le RŽpons : antiphonie entre soliste (ou groupe de solistes) et chĻur

Tout le problme est le sens exact donnŽ au prŽfixe Ē anti Č : du gr. α ̓ ν τ ι ́ φ ω ν ο ς Ē qui rŽpond ˆ, qui accompagne Č au sens de la consonance de lÕoctave (Euripide, Suppl. 800 ds Bailly); Ē qui rŽsonne d'accord avec (en parlant d'un accord d'octave) Č au sens dÕune autre partie exŽcutŽe ˆ lÕoctave dÕune autre (Platon, Leg. 812, ibid.)

Il semble que, pour les Grecs, chanter ˆ lÕoctave constituait une antiphonie (par opposition ˆ lÕhomophonie : chant ˆ lÕunisson).

HŽtŽrophonie

ἑτεροφωνίαν

= dissonance

Cf. autre traduction chez Edgar De Bruyne [6] : Ē Quant ˆ lÕhŽtŽrophonie et aux broderies instrumentales, amenant des successions de sons Žtrangres ˆ la cantilne inventŽe par le compositeur – artifices que lÕon obtient au moyen du symphone et de lÕantiphone, en opposant le serrŽ ˆ lÕespacŽ, le rapide au lent, lÕaigu au grave, ou bien en adaptant aux sons de la lyre un grand nombre de combinaisons rythmiques – il nÕy a pas lieu dÕy exercer les enfants. Č

Voir H. Gšrgemanns, A. J. Neubecker : Heterophonie bei Platon, in : Archiv fŸr Musikwissenschaft 23 (1966) 151-169

Cf. dans le Sophiste, Platon pense une harmonie ˆ laquelle la dysharmonie est essentielle – cÕest-ˆ-dire la dissonance. HŽtŽrophonie dŽsigne alors la divergence entre les notes de lÕaccompagnement instrumental et celles de la voix – cf. Aristote (Problmes XIX, 43 : Ē ils finissent sur la mme note, si bien que le plaisir quÕils donnent est plus grand que la douleur infligŽe par la diffŽrence des notes prŽalable Č.

Au totalÉ

symphonie harmonie ; antiphonie consonances ; hŽtŽrophonie dissonances.

Musique ?

= domaine des Muses !

Rapports voix/lyre

LÕidŽe est quÕil nÕest pas nŽcessaire dÕapprendre aux enfants comment lÕinstrumentiste peut varier, broder autour de la mŽlodie composŽe par le pote (mais non musicalement notŽe) - il ne sÕagit pas exactement ici de contrepoint entre deux voix-mŽlodies musicales. LÕinstrumentiste doit ici purement et simplement doubler la voix (cf. musique arabe !).

Opposition

Cf. lÕopposition est simplement ici une diffŽrence minimale (absence dÕunisson !). Il ne faut donc pas de variation (hŽtŽrophonie) que ce soit une mŽlodie parallle (symphonie) ou une mŽlodie ornant ou brodant (antiphonie).

Retenir de cette enqute

Le vocabulaire ne nous convient plus et de toutes les faons il ne concerne pas ˆ proprement parler Ē la musique Č.

Se rappeler dÕailleurs que la musique nÕexiste pas alors comme telle : retenir que Ē musique Č dŽsigne alors Ē le domaine des Muses Č (essentiellement basŽ sur la poŽsie, sa prosodie, son phrasŽ, ses intonations, son rythme, sa dynamique, ses timbres, son intensitŽÉ).

-       Cacophonie sÕoppose alors (contradictoire strict) ˆ euphonie. Nous ne le prendrons plus ainsi et ne ferons donc pas usage de la notion contradictoire dÕeuphonie. Cacophonie aura pour contradictoire la monophonie.

-       Symphonie dŽsigne le Ē de concert harmonieux Č. Cela semble privilŽgier lÕhomophonie. Nous ne ferons pas usage de cette notion.

-       Antiphonie Žtait ce qui accompagnait. Nous le prendrons en son sens accusŽ, au Moyen åge : ce qui rŽpond, non plus au sens des rŽponses bŽni oui-oui des interlocuteurs de Socrate dans les dialogues platoniciens (ˆ peine Ē dialogues Č !) mais au sens dÕun vŽritable dialogue.

-       HŽtŽrophonie Žtait la simple dissonance. Mais celle-ci, faisant unitŽ dialectique avec la consonance, est intŽgrŽe ˆ la polyphonie contrapuntique. Nous emploierons H au sens dÕune voix globalement dissonante, cÕest-ˆ-dire dissonant avec le mode de composition en tant que tel dÕune voix donnŽe.

 

La question en jeu reste celle des Ē oppositions Č entre voix et instrument acceptables dans cet enseignement : ici, lÕopposition trouble (au lieu de clarifier !) et complique lÕinstruction (plut™t que lՎducation). Opposer, cÕest ici simplement diffŽrencier, altŽrer.

Et les oppositions sont alors vues comme apparaissant ds lÕoctaviation – seul lÕunisson nÕoppose pas. La broderie ou lÕornementation oppose (au lieu de renforcer).

 

*



[1] La lyre a sept cordes ou Ē tons Č (heptatonos) ; comme lÕalphabet a sept voyelles, il y a eu des associationsÉ

[2] C'est donc dans la mme vue que le ma”tre de lyreÉ BEKKER, p. 49 : Τούτων τοίνυν δεῖÉ ἀ¹οδίδοντας ¹ρόσχορδα τὰ φθέγματα τοῖς φθέγμασι; τὴν δὲ ἐτεροφωνίανÉ

C'est le fameux passage sur lequel Fraguier (AcadŽmie des lnscript., tome 3 ) et Rochefort ( ibid., t. 37 ) s'appuient pour soutenir que les Grecs connaissaient le contre-point. Grou a traduit dans ce sens : Lorsqu'on fait sur la lyre une partie, tandis que le compositeur en fait une autre. Burette (Acad. des lnscript., t. 8, p. 9) et Chabanon (ibid., p. 35) ont montrŽ qu'il ne s'agit nullement ici de contre-point, et cette opinion est celle qui est gŽnŽralement adoptŽe. Platon ne veut pas qu'on jette les enfants dans les finesses de l'art ; il veut que la lyre exŽcute l'air tel qu'il est notŽ par le compositeur, sans ajouter aucun ornement; qu'elle rende son pour son, ἀ¹οδιδόναι φθέγματα φθέγμασι. Le contraire de cela, sans recourir au contre-point, est de faire des variations sur la lyre, c'est-ˆ-dire d'exŽcuter sur la lyre le chant du pote, en y ajoutant des traits et des ornements, c'est-ˆ-dire encore d'exŽcuter sur la lyre de certaines choses, tandis que le pote, le musicien, en avait marquŽ d'autres. Burette, qui a trs bien saisi le sens gŽnŽral de Platon, le traduit inexactement : Lorsque la lyre fait certaines choses et que la voix du pote en fait d'autres ; il ne s'agit point ici de la voix du pote, mais de la notation du musicien. Remarquez l'aoriste ξυνθέντος : tandis que le musicien en avait marquŽ d'autres, n'avait pas marquŽ les traits que la lyre ajoute. Pour la symphonie et l'antiphonie, j'ai renvoyŽ et je renvoie ˆ Burette et ˆ Forkel.

Καὶ τῶν ῥυθμῶν ὡσαύτως ¹αντοδα¹ὰ ¹οικίλματα ¹ροσαρμότταντας τοῖς φθόγγοις τῆς λύραςÉ C'est la mme chose que ¹οικιλία τῆς λύρας : arranger des variations sur la lyre.

[3] Sur la symphonie et l'antiphonie dans la musique grecque, et sur tout ce passage, voyez les deux MŽmoires de Burette, AcadŽmie des inscriptions, t. 3 et t. 4 ; ainsi que Vorkel, Allgemeine Geschichte der Musik, T. I, p. 301.

[4] ts mousiks o paideuts (certains traduisent : le ministre de lՎducation musicale !)

[5] La cythare grecque Žtait plus grosse que la lyre et la remplaait pour les concerts.

[6] ƒtudes dÕesthŽtique mŽdiŽvale (vol. 1 – Albin Michel – 1946)